Les agents des collectivités locales vont-ils massivement faire la grève le 5 décembre, contre la réforme des retraites ? Les organisations syndicales l’espèrent, qui multiplient cette semaine les réunions et actions en ce sens.
Les pompiers ouvrent le bal
Les pompiers ont déjà ouvert le bal. Localement, la Cellule secours-déblaiement du Puy-de-Dôme, par exemple, profite de la distribution annuelle des calendriers aux habitants pour communiquer sur « cette réforme scélérate ». Selon Alain Goretti, président de la FASPP et représentant de l’intersyndicale des sapeurs-pompiers (CGT, FASPP-PATS, FO-SIS, CFDT-SDIS, UNSA-SDIS, SPASDIS-CFTC, Avenir Secours, CGE-CGC), « il va y avoir des boycotts de Sainte-Barbe (4 décembre, Ndlr), car depuis la réunion du 6 novembre avec Jean-Paul Delevoye puis celle du 14 novembre avec l’AdF et l’AMF, il ne se passe plus rien ».
Pour le plan national, le syndicat Sud-Solidaires des sapeurs-pompiers professionnels a monté dès le lundi 2 décembre et pour toute la semaine, un « Village des soldats du feu », place de la République, à Paris. Objectif : mettre en lumière toutes les revendications portées par la profession depuis plusieurs semaines, mais aussi celles qui concernent la réforme des retraites. L’intersyndicale appelle, elle aussi, à mobilisation nationale pour le 5 décembre. «Nous proposons une organisation par options, explique par exemple Frédéric Monchy, représentant du SNSPP-Pats : soit une participation à une manifestation interprofessionnelle régionale, soit une rencontre avec le préfet ou son directeur de cabinet ». Cette seconde option est choisie dans l’Aisne, en Savoie, ou en Haute-Savoie, par exemple.
Préavis dès la nuitée du 4 au 5 décembre
Quant aux autres professions, hormis la CFDT Interco, toutes les organisations représentées dans la fonction publique territoriale relaient l’appel intersyndical diffusé dans la fonction publique (CGT, FA, FO, FSU, Solidaires). Sud-Solidaires collectivités territoriales prévient même que le préavis prend effet le 5 décembre dès 5h01 et « comprend la nuitée en amont de cette journée pour les personnels travaillant en horaires décalés »
Pour mobiliser largement titulaires et contractuels, les revendications sont souvent bien plus larges que la seule réforme des retraites : la CGT-SP cite notamment « l’abrogation de la Loi de transformation de la fonction publique, le dégel immédiat du point d’indice, l’arrêt des suppressions de postes et fermetures des services publics, le recrutement massif d’emplois statutaires et l’ouverture des postes nécessaires, l’arrêt de tout processus d’augmentation du temps de travail et sa réduction à 32h par semaine… ».
Johan Laurency, représentant FO, s’attend à retrouver la « traditionnelle mobilisation » des agents de services techniques, «tous les métiers semblent vouloir le faire», estime Pascal Kessler, représentant de la FA-FPT. Pour Salima Guedouar, responsable de la délégation CGT au CSFPT, « même des policiers municipaux devraient participer, à leur façon ». Elle dénombre 130 points de rassemblements sur tout le territoire.
Blocage de centre technique et fermetures de crèches
Des préavis de grève collectifs déposés localement laissent présager un mouvement massif d’arrêt de travail. Parmi les syndicats CGT, c’est la cas par exemple des employés de la voirie d’Ivry ou des agents municipaux de Villejuif, de ceux du CCAS, de la Ville et du Grand Reims ou encore ceux du Conseil départemental des Pyrénées-Atlantique. Angers Loire Métropole sait qu’elle doit s’attendre, dès 5h du matin le 5 décembre, à un blocage du centre technique de collecte des déchets.
Nombre de crèches, écoles, cantines et/ou péri-scolaires seront fermés, comme à Marseille, Saint-Denis-de-la Réunion ou encore à Orléans. «Nous connaissons nos troupes, assure de son côté Johan Laurency : nous aurons une forte participation dans tout le Sud, de Marseille aux Pyrénées-orientales, à Toulouse, dans le Limousin, en Loire-Atlantique, dans le Maine-et-Loire, à Rennes… ». Des grèves sont aussi annoncées à Strasbourg-Eurométropole, chez les agents territoriaux CGT des établissements du Conseil régional du Grand Est, à la Ville de Paris, aux Conseils départementaux de Côte d’Or, de la Drôme, de la Haute-Garonne, de l’Indre, de Savoie…
Parfois, les agents ne pourraient faire grève qu’une demi-journée ou même une heure, comme le suggèrent les élus CGT au Conseil départemental de Saône-et-Loire, ou encore, comme à l’Etablissement Eau de Paris, par des arrêts de de travail concertés entre intéressés.
Au lendemain de ce mouvement, le 6 décembre, les organisations membres de l’intersyndicale ont prévu de faire un point de la mobilisation. Mais d’ores et déjà, la fédération CGT des services publics et plusieurs syndicats locaux ont déposé des préavis de grève pour plusieurs jours de décembre, voire, pour certains, jusqu’au 5 janvier 2020.
Débat autour du service minimum d’accueil
«La participation réelle à la grève n’est pas simple à prévoir, prévient Pascal Kessler (FA-FPT) car certaines collectivités créent de la confusion en mettant en avant l’article 56 de la loi du 6 août 2019. Cela pourrait être un frein».
Cet article de la loi de transformation de la fonction publique instaure l’obligation de déposer un préavis de grève 48 h à l’avance pour les agents de certains services de proximité (déchets ménagers, aide aux personnes âgées et handicapées, accueil des moins de 3 ans…). « Mais il n’est pas applicable tant qu’il n’y a pas eu de négociation spécifique dans la collectivité », répond Johan Laurency (FO) aux nombreuses questions d’agents à ce sujet. «Beaucoup d’Atsem ou de personnels de restauration scolaire nous demandent aussi quelles sont leurs obligations par rapport au service minimum d’accueil que veut mettre en place leur ville, rapporte-t-il. Nous leur disons bien que celui-ci ne vaut qu’en cas de grève des enseignants, pas si elle s’étend aux territoriaux ».
Pour Philippe Laurent, représentant le collectif des employeurs territoriaux, pourtant, « ce sujet ne crée débat qu’au plan national, car localement, les organisations syndicales sont d’accord pour faire en sorte que cela se passe le moins mal possible ».
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